- Date de sortie : 2006-00-00
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Filmer l’école à Cuba peut se concevoir comme une entreprise de dénonciation des mensonges de la propagande communiste et de l’embrigadement de la jeunesse. La démarche de Camila Guzmén Urzéa est plus intime, plus déchirée aussi. Deux images l’évoquent : un jeune homme fouille dans une boéte à biscuits pour en extraire des photos de ses parents, jeunes militants de la révolution, et une photo de classe de la réalisatrice. Celle-ci fait ensuite la liste de ceux qui se sont exilés, liste si longue que l’on comprend qu’il n’en est resté qu’un, le jeune homme à la boéte de biscuits. Le film est l’histoire du chemin qui sépare ces photos, où la petite voix de l’autobiographie questionne les représentations officielles de l’histoire, pro- ou anticastristes. L’école à Cuba, pour Camila, c’est d’abord une affaire de ton et de goét. Le ton de belles vacances, certes un peu spéciales, dans les camps de pionniers, où les enfants placés « au contact des travailleurs » se retrouvaient entre eux, loin de l’autorité rabat-joie des parents. Le goét, c’est le sucré des goéters, de pétisseries et de jus de fruits. Les goéters ne sont plus qu’un souvenir, la colonie modéle des pionniers tombe en ruine. Des souvenirs amers ternissent l’image sucrée de l’école du socialisme : les punitions, la délation au quotidien, et le rêveil brutal de la « période spéciale ». Si le film questionne inlassablement ce déni de la réalité, il puise sa force dans la permanence de son regard à l’échelle d’une cour d’école, aux dimensions d’un quartier. Le mensonge des dirigeants ne peut cacher le rêve de la population, celui d’une société solidaire. Ce rêve brisé est filmé comme une photo qui se désagrâge avant de se déchirer, une photo d’enfants qui ont grandi à l’intérieur du rêve et l’ont vu se dissiper avec leur propre jeunesse. La société cubaine ne se divise pas entre pro- et anti-castristes, entre « restés » et « partis », mais à l’intérieur des familles déchirées par l’exil. Récit douloureux d’une génération d’orphelins, d’orphelins d’un rêve. (Yann Lardeau)
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