Images d’Orient

Nous sommes en Inde entre 1928 et 1929. De riches privilégiés parcourent le pays, filmant fétes et processions, défilés et crémations… Dans « Images d’Orient à tourisme vandale », Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi restent fidéles à la technique qu’ils avaient exposées à « Visions du Réel », il y a deux ans déjà. Ils décomposent les images prises par d’autres, à la recherche d’un regard, d’un geste significatif. Ici, l’anecdotique devient essentiel, révêlateur du rapport à l’autre, de ce « tourisme vandale » dénoncé par les cinéastes. Que voyons-nous exactement ? Des processions à dos d’éléphants. Des moments de grâce furtive. Des garden parties, où l’autre n’est qu’un accessoire exotique maintenu à distance. Alors que nous contemplons les images de deux jeunes Indiennes en prière, un sentiment de géne nous effleure… celui d’un viol, du rapt de ce qui est le plus intime. De fait, le regard des orantes nous accable, nous condamne. Mais encore. Au-delà de ce cercle privilégié, qui va de fétes en spectacles, des séquences dévoilent la pauvreté, l’exploitation archaîque des terres et des émes. Alors résonne autrement la voix de Giovanna Marini et de Mircea Eliade. L’un dit l’irrespect si caractéristique de l’homme blanc, l’autre les émeutes anti-coloniales qui éclatérent aux alentours des années 30. Sous l’or des fétes couvre la braise de la révolte… (Bertrand Bacqué)