AKERMAN prise 1 : « News from home », structuralisme en images

Mon 1er est un film documentaire, News from home,

Mon 2nd est une installation : Travelling,

Mon 3ème est une oeuvre écrite et parlée,

Mon tout est le travail d’une cinéaste : Chantal AKERMAN.

L’influence familiale s’immisçant dans notre quotidien…

D’abord des plans d’ensemble parsemés de bruits de vrombissement des quelques voitures qui passent ici et là. Des rues quasiment désertes, simplement des colonnes de bétons partout. Les lectures des lettres prennent place. Elles surplombent l’espace sonore mais elles prennent toute l’image, comme si le manque d’objets et de personnes dans les plans était fait pour laisser la place aux discours. Ils s’étendent, s’approprient l’image, la dominent.

Peu après les plans sont plus rapprochés. Le passage des voitures est plus fréquent. Le bruit est plus assourdissant. Chantal Akerman est alors peu à peu absorbée par les rouages, les flux physiques, le quotidien de la ville. Les lettres rentrent en contradiction avec l’image. Le passage des voitures et des passants nous distraient et elle aussi. On prête moins attention à ce qui est dit dans les lettres.

…se confronte aux injonctions sociales du monde urbain,…

On filme ensuite de plus près les commerces, les lieux publics, les personnes qui s’y trouvent, en plan pied. L’intimité est brisée, on s’attarde sur les personnes. Elles prennent possession de l’image. Et ces regards caméras anonymes, pouvant traduire à quel point on se sent seul quand on est libre, lâché dans la nature, parti du foyer familial en quête d’aventures. Les regards d’étonnements, de suspicions et de jugement. On y ressent une culpabilité. « Pourquoi ne réponds-tu pas à ta mère ? ». On se sent observer, mais qu’est-ce qu’ils jugent ? La caméra ? Chantal ? Les propos de sa mère ? Le plan en est polysémique. C’est possible parce que le filmeur ne domine pas son sujet. Il fait parti du décor. Il y a une égalité entre l’objet filmé et la personne qui filme grâce aux regards caméra. 

…entraînant ses agents économiques dans un flux constant aliénant…

C’est magnifique. J’en ai été bouleversé. Je m’y retrouvais tellement, ce mélange d’émotions contradictoires qu’on a. Vouloir partir de chez soi, aller ailleurs pour être libre et se sentir parfois très seul mais en même temps ne pas prendre des nouvelles de ses proches parce qu’on a pas le temps, parce qu’on est pris dans l’engrenage du travail, qui nous épuise physiquement, socialement, illustré à travers les passants et les regards caméras des habitants, et donc à travers le regard de Chantal. Et après la journée de travail, on a juste envie de se cloîtrer dans ses activités ludiques ou être chez soi. Car prendre des nouvelles des autres qui ne sont plus là, c’est se rappeler de la vie d’avant. La nostalgie survient, le temps d’un instant, pour nous faire regretter la vie qu’on mène aujourd’hui. C’est déchirant de voir l’affrontement disproportionné de l’appel aveuglant de l’activité capitaliste urbaine face à l’appel insistant de la mère qui veut simplement prendre des nouvelles de sa fille. J’ai eu ce sentiment là lorsqu’on avait des plans du métro complètement vide, allégorie de la réponse attendue de la mère qui ne venait pas, qui laissait une sensation de néant et donc d’inquiétude qu’elle évoquera à plusieurs reprises par moments. 

…qui fait battre le cœur mutant d’une masse bétonnée.

Enfin ce plan séquence de fin, qui nous remet les pieds sur terre, en rendant New York qu’on aperçoit au loin complètement fantomatique. On sort du système. On prend du recul, on est enfin libéré de ce carcan sonore et visuel oppressif (qui n’en finissait pas sur le plan séquence où on était dans la voiture). Il y a vraiment un sentiment d’apaisement qui se mêle à de l’impuissance tellement la ville est immense malgré le fait qu’on en soit éloignée. Un aveu de faiblesse de l’Homme face à ce qu’il a bâtit et qui ne peut plus contrôler.

Ewan MONTEMBAULT

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