« Toute une nuit sans savoir », Payal Kapadia

Dans son premier film, « Toute une nuit sans savoir » (2021), la réalisatrice Payal Kapadia aborde la question de l’éveil des consciences politiques estudiantines, sans cesse brimées et brutalisées par les forces étatiques d’une société indienne en pleine mutation.

Sous couvert du lien épistolaire servant à tisser l’histoire d’amour entre deux étudiants en cinéma, c’est en fait l’histoire de tous les conditionnements de la société hindoue qui est ici mise en exergue. L’Amour, érigé comme la première instance à travers laquelle s’exprime le caractère le plus intime d’un individu, devient alors le lieu où s’immisce un État qui « envoie en prison », « qui tabasse » et « qui censure ».

Le fil du « souvenir », texturé, presque argentique, ouvre le dialogue entre les photos, les coupures de presse, les archives et les instants de vie, pour faire résonner sur la scène documentaire la lutte qui gronde chez les étudiants.

« Toute une nuit sans savoir » met en mouvement la jeunesse indienne. Les corps qui dansent, apparaissent à l’écran comme un lieu de résistance, face aux autorités policières qui barricadent les consciences, empêchant l’expansion de tout éveil politique, face à une idéologie nationaliste hindoue qui s’infiltre dans les établissements publics, distillant ainsi un opium ravageur, qui brise les volontés individuelles, sauvegardant un contrôle étatique sur le Savoir, un des bastions fondamentaux de la liberté des individus d’une société.

Chaque phrase scandée par les étudiants manifestants résonne au son du tambour de la Liberté : « Toute une nuit sans savoir »… ce que sera demain. Mais ils se mettent en mouvement ! Ils dansent sur les brutalités policières ! Ils dansent à l’appui de leur éveil politique, brandissant leur soif d’amour et de liberté ! Car c’est la seule lumière qui vient éclairer cette nuit, embuée par le parfum d’opium, qui porte la marque des forces autoritaires de l’État. 

Payal Kapadia signe ici un acte libertaire, à l’encre documentaire, libérant ainsi l’outil cinématographique du joug muselant de l’État indien.                                                                                                                                    

Hélène NOËL  

« Toute une nuit sans savoir » est pré-sélectionné par la SCAM pour le festival Vrai de vrai.

Le 2ème film de Payal Kapadia, une fiction « All we imagine as light » est sorti récemment au TNB.

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