L’exposition de la sud-africaine Gabrielle Goliath sera disponible jusqu’au 19 mai 2024 au Frac Bretagne. Dimanche 3 mars, entrée gratuite et projection du film Anhell69 dans le cadre du festival Ré·Elles.
Par : Natalia Gómez-Carvajal, programmatrice de Ré·Elles
Après le viol : l’art de la survie et de la musique
Dans une chambre violette, des platines vinyles attendent que quelqu’un vienne écouter. Une lumière terne se pose sur les murs où une dédicace, le nom d’une chanson et des témoignages poignants demandent à être lus.
On accepte la consigne suggérée : celle de mettre la musique en route et lire en écoutant des airs connus et nouveaux (re)interprétés par des artistes féminines et queer. Petit à petit, l’artiste sud-africaine Gabrielle Goliath nous propose d’entrer en phase avec des victimes de viol que lui ont confié leurs histoires et un morceau choisi et dédicacé par elles.
Plus qu’une performance, un espace ou une exposition This song is for… Vol 1. est un ensemble de six moments intimes. Si on s’accorde le temps d’écouter et de lire attentivement, de petits sauts et répétitions dans la bande son nous font penser que le vinyle est rayé. D’abord subtiles, puis entêtantes, ces interventions sur le son évoquent le déchirement et le trauma des survivantes du viol : devenir comme un disque rayé qui avance malgré tout.
Cohérente avec sa recherche artistique, Goliath place le public sur la trace des traumas qui façonnent la condition féminine. Dans un parcours de six vinyles et six textes écrits par ses protagonistes on a à peine la force de continuer. On aimerait penser qu’il s’agit de micro-fictions cauchemardesques, mais la vérité est bien là, devant les yeux et dans les oreilles du public. Nous les croyons.
Quand la salle est pleine et que les vinyles continuent à tourner, du passage de l’un à l’autre se découle une succession de sons abîmés, une cacophonie saisissante et douloureuse s’impose comme celle des faits divers et de non-lieux du quotidien de l'(in)justice.
À la fin on aurait souhaité s’accorder un peu de solitude pour se créer des moments intimes d’écoute, pour recevoir et lire, une par une, les musiques et les témoignages comme si c’était possible de devenir un confident de plus.
Un film dans la lignée du trauma
Le 3 mars à 17h au Frac Bretagne, Comptoir du Doc propose la projection rencontre du film Anhell69 réalisé par le colombien Théo Montoya, dans le cadre de la 21ème édition du festival Ré·Elles.
Le film fait le portrait des amis du cinéaste, ancrée au sein de la communauté queer de Medellín. Bien que nées après le fléau de mort du trafiquant Pablo Escobar, ces jeunes et tous celles et ceux de leur génération sont héritiers des traumas de la période la plus violente et sanglante du pays.
Anhell69 se revendique en tant que film trans, entre documentaire et fiction de série B, où ses protagonistes —des « spéctrophiles » cherchant l’amour et le désir dans la mort— sont persécutés par des commandos qui cherchent à les exterminer.
La séance sera suivie d’une rencontre avec Pablo Carrizosa, programmateur du Panorama du Cinéma Colombien, à Paris.